Réinventer Montréal en respectant sa « Montréalité »
12 novembre 2021
La mise à jour du plan d’urbanisme est une occasion pour Montréal d’être un pionnier de la ville de demain tout en conservant son identité propre
Partager
Par Steve Potvin
À l’occasion de la conférence Retrouver Montréal du point de vue urbanistique que j’ai donnée récemment au Project Management Institute (PMI) de Montréal, j’ai eu l’occasion de me pencher sur les différentes phases de planification de la métropole d’hier à aujourd’hui, en revisitant les grands projets qui ont influencé l’urbanisme et l’aménagement du territoire montréalais.
De ville fortifiée à métropole innovante, Montréal a connu d’importantes transformations depuis sa fondation en 1642, selon les différents contextes politiques, sociaux, économiques et environnementaux. Aujourd’hui, la ville a atteint un niveau de développement inégalé; elle se densifie par l’abondance de projets immobiliers, le développement de réseaux de transport collectif et actif, ainsi que par la multiplication des mises en chantier aux quatre coins de la ville. Comme urbaniste, citoyen et amoureux de Montréal, je crois que le temps est venu de revenir à nos racines profondes et de retrouver notre « Montréalité », celle de ses quartiers centraux à l’échelle humaine, de son cadre bâti patrimonial et de ses services de proximité, qui ont fait la force et l’unicité de la ville d’aujourd’hui. Pour que Montréal continue d’être innovante, effervescente et résiliente, il faudra notamment revoir le plan d’urbanisme datant de 2004 qui se voulait un compromis politique plutôt qu’une véritable vision d’aménagement. Ce plan renouvelé devra tenir compte des quatre grandes tendances qui dominent actuellement le milieu de l’urbanisme et de l’aménagement.
Comme urbaniste, citoyen et amoureux de Montréal, je crois que le temps est venu de revenir à nos racines profondes et de retrouver notre « Montréalité
1. Développement de la mobilité durable
Des projets structurants de transport collectif sont actuellement en planification ou en construction partout dans le Grand Montréal. Le projet du Réseau express métropolitain (REM), avec ses 26 stations et sa connexion au métro et à l’aéroport, est l’un des plus importants projets de transport collectif à avoir été initié depuis les cinquante dernières années au Québec. En plus de révolutionner nos pratiques en matière de déplacements, il redéfinira le rapport entre le centre de Montréal et sa périphérie en redonnant un accès plus direct au centre-ville, en reliant à terme l’est et l’ouest de la ville et ses rives, ainsi qu’en réduisant l’utilisation de la voiture solo. Le principal défi pour ce projet sera son intégration à la trame urbaine existante.
D’autres projets d’aménagement et de mobilité durable sont également en développement, comme les aires TOD (transit-oriented development) et les corridors structurants initiés par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) qui visent à redévelopper les sites et les boulevards structurants en périphérie immédiate des équipements de transport existants ou projetés. Ces initiatives visent à créer des milieux de vie plus complets et plus durables pour les résidents, les commerçants et la communauté. Notre équipe s’est par ailleurs penchée sur l’implantation éventuelle d’un mode de transport en commun structurant sur le boulevard Taschereau sur la Rive-Sud de Montréal. Grâce à des ateliers participatifs auprès d’acteurs ciblés et à une méthodologie innovante permettant de se projeter sur 30 ans, l’étude a permis d’évaluer le potentiel de redéveloppement de cet axe pratique – mais sans attrait – de 15 km en le transformant en un espace de vie vibrant, invitant et verdoyant.
Le transport actif joue lui aussi un rôle dans la durabilité et le dynamisme de Montréal. Depuis des années, les pistes cyclables sont planifiées par les arrondissements et souvent, aucun lien n’est assuré entre les quartiers, voire entre les pistes d’un même arrondissement. Les projets de Réseau Express Vélo (REV) permettent de remédier à cette problématique et de structurer davantage notre réseau. En concevant le REV des rues Saint-Jacques et Viger, de concert avec la Direction de la mobilité de la ville de Montréal, nous avons contribué à renforcer la cohérence de notre réseau.
Le prochain plan d’urbanisme de Montréal sera un plan d’urbanisme et de mobilité. Pour la première fois de notre histoire récente, nous unifierons les visions des disciplines de l’urbanisme et de la planification des transports dans un même document. Ce simple fait constitue une importante innovation en soi.
Perspective 3D du Réseau Express Vélo (REV) dans le sud-ouest de Montréal.
2. Mise en valeur du patrimoine
Pendant la deuxième moitié du 20e siècle, le courant moderniste a amené la construction d’importants projets urbains souvent au détriment du patrimoine bâti dans un souci de modernisation presque absolu. Nous constatons actuellement un retour aux valeurs de préservation du patrimoine; les projets actuels démontrent une volonté de mettre davantage en valeur le patrimoine bâti et les composantes du paysage, comme les vues, les parcs, les espaces verts et les places publiques.
Un exemple éloquent est le projet de requalification du site de l’ancien hôpital Royal Victoria, construit en 1893 et situé sur les flancs de l’emblématique mont Royal. Ce site d’une importance considérable pour l’histoire, le patrimoine et l’identité des Montréalais est laissé vacant depuis 2015, à la suite du déménagement de l’hôpital vers le Campus Glen du Centre universitaire de santé McGill. Le plan directeur proposé par la Société québécoise des infrastructures vise donc une requalification de l’ensemble des bâtiments dans un horizon de 25 ans et propose le verdissement des espaces ouverts qui sont actuellement presque exclusivement occupés par des stationnements. Le site pourra retrouver ses lettres de noblesse grâce à la restauration des bâtiments patrimoniaux et à une meilleure intégration des espaces aménagés à la ville et au Parc du Mont-Royal.
3. Revalorisation des milieux naturels
Le phénomène de renaturalisation d’espaces publics au cœur de la ville prend également de l’ampleur. Il ne s’agit plus de simples projets de verdissement visant à lutter contre les îlots de chaleur, mais plutôt de création d’écosystèmes complets et d’espaces naturels en milieu urbain.
Dans le cadre du grand projet de création de la Trame verte et bleue énoncé au plan métropolitain d’aménagement de la CMM, plusieurs villes et arrondissements ont emboîté le pas et réalisé d’importantes interventions visant à redonner et à rendre plus accessibles les milieux naturels à tous les citoyens. Nous pouvons penser au sentier de la Rivière-de-la-Tortue à Candiac qui a récemment été réaménagé dans le respect du milieu naturel et des principes de développement durable afin d’offrir aux citoyens un lieu de détente et d’activités extérieures en milieu urbain. En plus d’offrir des panneaux d’interprétation, le sentier s’intègre au réseau cyclable de la Route verte et favorise l’accès à la rivière de la Tortue qui longe le sentier pour les activités nautiques.
Nous entrevoyons une multiplication de ce type d’aménagements dans les prochaines années. La séparation claire et nette entre les milieux naturels et urbanisés sera de plus en plus diffuse et nous verrons apparaître davantage de milieux naturels à l’intérieur des milieux urbains.
Le sentier de la Rivière-de-la-Tortue à Candiac a été réaménagé pour protéger et mettre en valeur la biodiversité de cet espace vert en milieu urbain.
4. Création de quartiers mixtes et inclusifs
L’accès au logement pour tous est un thème qui touche de nombreuses villes partout dans le monde. Avec le coût des loyers qui grimpe à Montréal, un besoin pressant en logements abordables et en logements sociaux se fait ressentir. Pour répondre à cette problématique, des politiques de mixité et d’inclusion voient de plus en plus le jour dans les grandes villes nord-américaines.
Le vivre-ensemble est une valeur chère aux Montréalais et le défi pour les prochaines années sera d’assurer la collaboration entre les développeurs immobiliers et les instances publiques afin de faire du Règlement sur une métropole mixte, adopté l’an dernier par l’administration montréalaise, un franc succès.
Pour un plan d’urbanisme unifié et intégré
L’avenir de Montréal passera par la reconnaissance de son centre-ville, mais surtout par un maillage fort et respectueux avec sa périphérie immédiate. La clé du succès sera une alliance durable entre les politiques de planification des transports et d’urbanisme à l’échelle métropolitaine et provinciale.
Le développement urbain devra se faire de manière résiliente et efficace, en valorisant notre histoire et notre patrimoine, ainsi qu’en renaturalisant et en préservant nos écosystèmes. Nous pensons qu’en mettant les gens au premier plan dans toutes nos interventions, nous pourrons réinventer Montréal en préservant sa « Montréalité ».