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Concevoir sans préjugés : comment duex femmes rendent l’espace plus inclusif

07 mars 2022

La conception inclusive, ou universelle, vise à rendre l'environnement bâti accessible à tous ceux qui l'utilisent

Par Nancy Macdonald et Wendy Van Duyne

Nous nous promenons tous les jours dans nos villes et nos rues, en côtoyant des bâtiments d’époques et de styles très différents. Nous partageons notre espace public avec des millions de gens, issus de toutes sortes d’horizons. Mais nous ne pensons que très peu souvent aux détails – ce qui se trouve sous nos pieds, la largeur des rues, les répercussions sur l’environnement et, plus important encore, les personnes à qui ces lieux sont destinés. 

La conception inclusive, ou universelle, vise à ce que l’espace aménagé soit accessible pour tous, et utilisé par le plus grand nombre de personnes possible, peu importe leur âge, leur genre ou leur handicap. Bien que la question de la conception soit entre les mains de professionnels du domaine de l’environnement bâti – planificateurs, consultants en accessibilité, concepteurs, architectes, ingénieurs, arpenteurs, propriétaires et gestionnaires d’installations – il leur incombe de bien comprendre les besoins de tous les utilisateurs.

Alors, comment peut-on s’assurer de ne rien laisser pour compte lorsqu’il s’agit de conception inclusive? Quelles mesures les équipes de conception peuvent-elles mettre en œuvre afin de répondre aux besoins de tous les utilisateurs? Nancy MacDonald et Wendy Van Duyne nous expliquent comment elles veillent à ce que l’espace public porte l’empreinte de tous ceux et celles qui l’utilisent.  

Dès le début d’un projet, il est essentiel de tenir compte du contexte socioécologique, d’avoir une bonne compréhension du milieu et de faire preuve d’empathie.

Commencer par le contexte socioécologique – Wendy Van Duyne

En tant que concepteurs et planificateurs, il est plus important que jamais que nous rendions hommage à la diversité des horizons, des perspectives et des cultures de nos clients. Les diverses parties concernées par nos projets possèdent des expériences différentes qui influencent la manière dont elles évoluent dans le monde. Pour concevoir des espaces authentiques et plus inclusifs, il est important de prendre en compte le contexte socioécologique, qui peut avoir une incidence sur l’aménagement des espaces.

Le contexte socioécologique représente les divers facteurs sociaux qui jouent un rôle dans la vie d’une personne et dans sa vision du monde. La structure familiale, les groupes de pairs, l’éducation et le milieu religieux, notamment, ont une incidence sur les expériences de chacun – il s’agit de la base de toute perspective critique.

Quand vient le moment de réfléchir à l’aménagement d’un espace public, le cadre réglementaire et le contexte communautaire au sens plus large sont souvent évalués en premier lieu, sans nécessairement comprendre le point de vue des personnes vivant dans la collectivité. Or, il est primordial de combiner la perspective individuelle et le contexte global. Bien que cela puisse sembler contre-intuitif, il est bon de tenir compte des points de vue individuels pour créer des lieux plus inclusifs. Il en résultera une meilleure compréhension de l’ensemble de l’expérience communautaire dans les populations sous-représentées, en particulier dans les domaines émergents de la justice environnementale. 

En tant que professionnels, nous devons parfois jouer le rôle d’un sociologue et comprendre la manière dont chaque individu perçoit le monde et les autres. Par exemple, une femme nouvellement arrivée aux États-Unis qui possède un vaste réseau ne vivra pas les mêmes expériences communautaires qu’une femme qui a vécu toute sa vie dans le même quartier, au sein d’un petit cercle familial, et n’a fréquenté que peu d’endroits à l’extérieur de sa communauté. Aucune de ces perspectives n’est plus valable que l’autre, mais elles contribuent toutes les deux à favoriser un cadre communautaire orienté vers une conception plus inclusive.

Quel est donc le meilleur moment pour s’attarder au contexte socioécologique? D’une part, il s’avère particulièrement important de l’analyser dès le début d’un projet afin de déterminer ses incidences sur le projet ainsi que les aspects à considérer lors de la conception et de la planification. D’autre part, il peut être bénéfique d’y réfléchir avant la participation des parties prenantes pour élaborer une stratégie qui répondra mieux aux besoins de la collectivité visée. Dans les deux cas, le contexte socioécologique, une empathie et une bonne compréhension du milieu permettent de créer des collectivités plus inclusives.

Comprendre les préjugés inconscients – Nancy MacDonald

À titre de professionnel – ingénieurs, planificateurs, concepteurs d’urbanisme, architectes ou spécialistes de l’environnement – chacun aborde les problèmes de conception avec ses propres compétences techniques. Mais à titre d’individu, chacun intègre ses biais inconscients au processus de conception. Pour arriver au meilleur résultat pour tous, détenir des compétences en gestion de projet et mettre en œuvre des solutions efficaces n’est pas nécessairement suffisant.  

Tenir une réunion dans un lieu informel, plutôt que dans un bureau, permet de rencontrer les intervenants dans un environnement où ils sont à l’aise.

Dans le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement urbain, les femmes ont été historiquement sous-représentées, et leurs besoins n’ont pas toujours été pris en compte dans l’aménagement des collectivités. D’importants progrès ont toutefois été réalisés à cet égard au fil des ans. Dans les années 70, l’urbaniste pionnière Jane Jacobs a remis en question la planification urbaine axée sur la voiture et a fait la promotion de la diversité en défendant une approche centrée sur la communauté à New York et à Toronto. Plus récemment, Janette Sadik-Kahn, ancienne commissaire aux transports pour la ville de New York, a lancé un ambitieux programme de planification et d’aménagement qui a transformé les rues de New York afin d’accueillir une diversité d’utilisateurs et d’améliorer la sécurité, l’accessibilité et la durabilité pour les piétons et les cyclistes. Les meilleures pratiques exigent désormais que l’approche en matière de conception se concentre notamment sur l’intégration d’une diversité de perspectives reflétant un éventail d’utilisateurs.

Les biais inconscients dans les communautés ne concernent pas uniquement le genre, mais aussi la nationalité, l’âge, le revenu et la religion. Les concepteurs doivent être conscients de leurs préjugés lorsqu’ils prennent des décisions en matière de conception afin de toucher un public plus large. Il est important de faire un véritable effort pour en apprendre davantage sur les utilisateurs et ainsi comprendre leur point de vue.

Une façon créative de procéder est de rencontrer les intervenants dans un lieu où ils se sentent bien. Dans le cadre de certains projets, nous sommes allés à la rencontre des intervenants et des membres de la communauté dans des endroits plus informels – une boutique éphémère, un parc de quartier, un café ou un pub, par exemple. En discutant avec les individus dans leur environnement, nous avons pu recueillir de précieuses informations sur leurs besoins et les intégrer à nos concepts pour ainsi mieux répondre à leurs attentes.

Que ce soit au sein de nos équipes, de nos projets ou des collectivités, notre travail est nettement supérieur lorsque nous intégrons une multitude de compétences et d’origines. Une diversité de perspectives, combinée à une approche axée sur les individus, donne de meilleurs résultats.

Comprendre la perspective des femmes

Les lieux dans lesquels nous vivons, travaillons et nous divertissons ne peuvent être conçus pour tous que s’ils sont conçus par tous. Il est essentiel de cultiver activement une main-d’œuvre véritablement diversifiée et représentative, car historiquement (et souvent encore aujourd’hui), l’industrie est principalement composée d’hommes blancs en santé et d’âge moyen, ce qui signifie que les lieux sont conçus selon leurs perspectives. Il est également primordial de ne pas présumer savoir ce qui est le mieux pour un groupe en particulier ou une collectivité, mais plutôt de créer des liens avec ses membres et ainsi obtenir une vision claire de leurs défis et de leurs besoins.

À première vue, il peut sembler que tous, peu importe le genre, utilisent les lieux et les installations de la même manière, en particulier en 2022. Mais en réalité, l’expérience des femmes peut être très différente.

Les femmes sont, encore de nos jours, plus susceptibles de s’occuper de jeunes enfants ou de personnes âgées, ce qui signifie qu’elles doivent se déplacer différemment, inclure plusieurs arrêts (garderie, école, supermarché, travail) et marcher avec une poussette ou en compagnie de jeunes enfants. La mise en place d’un transport en commun fiable et bien relié, ainsi que de pistes cyclables et de voies piétonnières de qualité, plus larges et dotées de bordures abaissées, d’intersections sécuritaires et de lieux de repos, peut améliorer considérablement l’accessibilité. Et bien entendu, ces mesures sont avantageuses pour tous!

L’accessibilité aux toilettes publiques devrait être prise en compte dans la conception de tout espace public.

Le manque de toilettes publiques est un autre problème souvent négligé. Bien qu’il s’agisse d’un inconvénient pour tout le monde, les femmes pourraient devoir planifier leurs itinéraires en conséquence ou même éviter complètement un endroit s’il n’y a pas d’accès à une toilette. D’abord, elles sont plus susceptibles d’avoir à utiliser les toilettes publiques, notamment en raison de leurs règles ou pour d’autres raisons. Deuxièmement, les conséquences de l'absence de toilettes sont plus importantes pour les femmes, qui non seulement ont beaucoup plus de mal à « aller dans la nature » que les hommes, mais risquent également d'être agressées si elles le font. L’accessibilité aux toilettes publiques devrait être prise en compte dans la conception de tout espace public.

Par ailleurs, la sécurité dans les lieux publics est un autre aspect important. Les femmes ont beaucoup moins tendance à se sentir en sécurité lorsqu’elles marchent ou utilisent les transports en commun, en particulier après la tombée de la nuit. Des mesures comme l’éclairage des rues, des sentiers dégagés et bien entretenus pour une meilleure visibilité ainsi que l’installation de caméras de sécurité peuvent améliorer le sentiment de sécurité de tous les utilisateurs d’un espace. Toutefois, des considérations financières et environnementales, comme pollution lumineuse, empêchent souvent la mise en œuvre de ces mesures. 

En faisant preuve de bienveillance, il est possible de créer des lieux accessibles et confortables pour tous, et il nous incombe, en tant que planificateurs, concepteurs et ingénieurs, de concevoir sans préjugés.  

Traduction du blogue publié originalement sur le site Ideas de Stantec.

À propos des auteures :

Nancy est une planificatrice certifiée qui préconise l’approche d’équipe intégrée. Elle se penche notamment sur les projets liés aux villes intelligentes, au développement d’espaces à usages multiples et à l’élaboration de plans directeurs communautaires.

Wendy est une chargée de projet et une architecte-paysagiste possédant une vaste expérience en matière d’élaboration de plans directeurs. Elle a travaillé en collaboration avec de nombreux clients dans le cadre de divers projets, notamment l’élaboration de plans directeurs de campus, de parcs et d’installations de loisirs, l’aménagement de sentiers et la revitalisation de centres-villes.

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