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Comment l’ADNe peut aider à identifier des espèces de chauves-souris en péril

16 juin 2023

Les bâtiments abandonnés attirent les chauves-souris. L’ADN environnemental (ADNe) permet d’identifier les différentes espèces avant de les déplacer.

Par Andrew Taylor

Battements d’ailes, claquements et crissements à répétition. Après avoir entendu ces sons au-dessus de votre tête pendant quelques jours dans l’immeuble de bureaux patrimonial que vous occupez, vous comprenez ce qui se passe : des chauves-souris y ont élu domicile. Alors, il ne reste plus qu’à faire appel à un exterminateur pour qu’il règle le problème, n’est-ce pas? Malheureusement, ce n’est pas si simple.

Selon l’endroit où vous êtes situé, vous devrez peut-être identifier l’espèce de chauves-souris avant de vous en défaire. L’identification de ces animaux volants est importante, car de nombreux pays, États et provinces ont adopté des lois concernant les chauves-souris classées comme des espèces en péril. Si vous retirez de force de votre bâtiment une famille de chiroptères faisant partie d’une espèce menacée, vous vous exposez à de lourdes amendes de la part des organismes réglementaires locaux et fédéraux. Votre immeuble pourrait être considéré comme un habitat protégé.

Et si vous cherchez des solutions, les méthodes classiques de détection et d’identification des chauves-souris présentent des difficultés et peuvent être laborieuses et onéreuses.

En Ontario, la petite chauve-souris brune (Myotis lucifugus) est menacée par une maladie connue sous le nom de syndrome du museau blanc et risque de disparaître. Elle est considérée comme une espèce en péril et ne doit pas être retirée d’un bâtiment sans permis de l’organisme gouvernemental approprié.

À titre d’écologiste principal, j’ai passé des années à travailler sur des projets de détection des chauves-souris. J’ai récemment mené des recherches qui suggèrent une nouvelle approche pour identifier ces mammifères volants nocturnes : l’ADN environnemental en suspension dans l’air (ADNe).

L’ADNe réfère aux traces d’ADN naturellement laissées par les organismes dans leur milieu de vie, par exemple dans l’eau des ruisseaux, des rivières ou des océans, dans la terre et dans les excréments. Ainsi, au lieu de faire des relevés pour constater la présence de l’animal, il est possible de prélever des échantillons de l’environnement ou de l’habitat, sans avoir à capturer, à manipuler ou même à observer l’animal à identifier.

Cette technique d’échantillonnage de l’air permet de déterminer la présence de chauves-souris dans les bâtiments. Et si, dans un bâtiment historique, la possible présence d’une espèce menacée vous inquiète, lisez ce qui suit pour en savoir plus sur la détection des chauves-souris et sur les recherches que j’ai menées sur l’ADNe (en anglais).

Négliger la détection des chauves-souris peut s’avérer une erreur coûteuse

Tout d’abord, un peu de contexte. Plusieurs espèces de chauves-souris étant menacées en Amérique du Nord, l’étude de ces petites bêtes dans les bâtiments est devenue un défi d’ordre réglementaire. Pour déterminer si un bâtiment est protégé en vertu de la loi sur les espèces en péril, il est nécessaire de procéder à une analyse afin d’établir si une de ces espèces se trouve à l’intérieur. Je pense en particulier aux bâtiments appartenant aux gouvernements, aux sociétés minières, aux entreprises des secteurs de l’énergie et des services publics, qui peuvent abriter des chauves-souris.

En Ontario, où je travaille, certaines chauves-souris ont été inscrites au registre des espèces menacées en 2013 et sont protégées en vertu de la Loi sur les espèces en voie de disparition. Par exemple, la petite chauve-souris brune (Myotis lucifugus) est menacée par une maladie connue sous le nom de syndrome du museau blanc et risque de disparaître. Ainsi, dans tout projet de travaux d’entretien sur un vieux bâtiment ou de démolition d’un bâtiment abandonné où l’on soupçonne la présence de petites chauves-souris brunes, il est important de savoir si c’est le cas. Car si des tentatives sont entreprises pour éliminer des individus appartenant à une espèce de chiroptères en péril, sans suivre les mesures appropriées, un organisme gouvernemental peut infliger une amende d’un million de dollars canadiens en cas de première infraction. Il ne faut donc pas sauter cette étape.

Andrew Taylor a mené ses recherches sur l’ADNe en suspension dans l’air à l’aide d’une colonie captive de grandes chauves-souris brunes.

Avant de communiquer avec une entreprise de lutte antiparasitaire, il importe de s’adresser à un consultant en détection des chauves-souris. Une fois qu’il aura terminé son relevé, une demande de permis pourra être soumise à l’organisme provincial ou fédéral responsable. Si la présence d’une espèce menacée est confirmée, le permis sera assorti de conditions sur la façon dont l’entreprise peut éliminer cet habitat, probablement seulement pendant certaines périodes de l’année, ce qui réduit l’effet sur ces animaux.

Quelles sont les méthodes classiques de détection des chauves-souris?

Discutons brièvement des approches classiques de détection avant de parler de l’utilisation de l’ADNe en suspension dans l’air. J’ai constaté que les méthodes classiques de relevés exigent beaucoup de travail et peuvent comporter des pièges.

En Ontario et dans de nombreux autres endroits, les relevés classiques consistent à utiliser des microphones à ultrasons qui captent les cris à haute fréquence des chauves-souris. Étant donné que les différentes espèces de ces bêtes émettent des fréquences et des cris distincts, il est possible d’analyser les cris enregistrés sur un spectrogramme et de tenter de déterminer l’espèce grâce aux renseignements recueillis.

Cette technique peut s’avérer difficile à mettre en œuvre, particulièrement dans des bâtiments de grande taille, à plusieurs étages. Pourquoi? Le positionnement d’un nombre suffisant de personnes munies de microphones pour observer toutes les parties d’un bâtiment à la fois peut être une tâche ardue. Et comme les cris de chauves-souris se ressemblent beaucoup, il peut être difficile de distinguer avec précision les espèces qui sont présentes. Avec l’ADN, il n’y a aucun doute.

À l’extérieur de l’Ontario, des consultants recourent à des relevés par piégeage ou tentent de capturer les mammifères au moment où ils s’envolent : deux techniques qui peuvent également être très laborieuses.

Les méthodes classiques pour identifier les chauves-souris présentent des difficultés et peuvent être laborieuses et coûteuses.

Utilisation de l’ADN environnemental en suspension dans l’air pour la détection de chauves-souris

Au cours des dernières années, j’ai fait équipe avec des chercheurs de Genidaqs et de l’Université McMaster afin d’utiliser l’ADN environnemental pour évaluer la présence de chauves-souris dans des bâtiments, grâce à diverses techniques de prélèvement d’air à l’intérieur. Le fonds de recherche Greenlight de Stantec a soutenu nos travaux. Nous avons donc effectué des prélèvements dans une colonie captive de grandes chauves-souris brunes, une espèce commune en Amérique du Nord qui n’est pas menacée en Ontario. Nous avons fait l’essai de trois techniques d’échantillonnage pour obtenir de l’ADN environnemental :

  1. Le pompage de l’air à travers un impacteur à liquide, puis le passage du liquide dans un filtre Sterivex.
  2. Le pompage de l’air à travers un filtre sec en nitrate de cellulose.
  3. L’échantillonnage passif de particules se déposant de la colonne d’air sur un plateau de billes et de carreaux de verre.

Dans le cadre de notre étude, nous devions prélever divers volumes d’air avec un nombre différent de chauves-souris dans des pièces ou des contenants de volumes variés. Cette approche nous a permis d’évaluer les paramètres nécessaires à une détection fiable des chauves-souris.

Il a été possible de prélever de l’ADNe au moyen des trois techniques d’échantillonnage, ce qui est excellent. Mais avec les deux premières méthodes, nous n’avons pas réussi à établir l’espèce à tout coup, ce qui n’est pas pratique, car des données fiables sont essentielles.

La troisième technique était un échantillonnage passif, c’est-à-dire que nous avons placé des pièges, constitués de plateaux au sol avec des billes et des carreaux de verre pour recueillir les particules en suspension qui finissent par se déposer. Nous avons ensuite effectué un prélèvement par écouvillon de la surface pour collecter de l’ADN environnemental. Heureusement, cet échantillonnage passif a permis d’obtenir des concentrations plus élevées d’ADNe et s’est avéré la méthode de détection la plus fiable dans les environnements intérieurs.

L’une des techniques d’échantillonnage de l’ADNe consiste à pomper de l’air dans cet impacteur à liquide.

Je suis heureux que nous ayons trouvé une méthode efficace. L’ADN permet aux consultants et à leurs clients d’obtenir des résultats fiables, puisqu’il s’agit d’une partie du code génétique propre à une espèce de chauves-souris.

Obtenir l’assentiment des organismes de réglementation

L’utilisation de l’ADNe en suspension dans l’air est une approche novatrice de détection des chauves-souris, et je suis reconnaissant que mes partenaires de recherche et moi ayons eu l’occasion de l’explorer. La prochaine étape? Les organismes de réglementation de différentes régions qui, actuellement, acceptent les résultats d’approches plus classiques de détection des chauves-souris doivent en savoir davantage au sujet de l’efficacité de l’ADNe. Nous ferons donc part de ces résultats lors de conférences et auprès de ces organismes.

Si l’idée d’avoir des chiroptères voletant au-dessus de votre tête dans votre immeuble de bureaux patrimonial vous inquiète, j’espère que vous avez réalisé l’importance de la détection des chauves-souris. Il est fort intéressant de penser que les prélèvements d’ADNe des chauves-souris pourraient devenir la technique de relevé de l’avenir.

Traduction du blogue publié originalement sur le site Ideas de Stantec.

À propos de l’auteur :

Andrew est un écologiste principal et un chargé de projet qui offre son expertise en écologie terrestre dans une vaste gamme de secteurs.

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