Onze facteurs clés lors de la conception de réseaux de transport à très haute tension
04 novembre 2025
04 novembre 2025
La demande en énergie croît et l’électricité parcourt des distances plus longues. Les infrastructures à très haute tension peuvent combler les besoins.
Par Reza Ashtari, Katherine Guay, Charuti Punjani, and Arielle Kadoch
Lorsqu’il s’agit d’infrastructures électriques, les réseaux de transport à très haute tension (THT) diffèrent considérablement de ceux à moyenne tension (MT) ou à haute tension (HT). Les réseaux MT et HT peuvent respectivement atteindre environ 70 kilovolts (kV) et 230 kV. Quant aux réseaux THT, certains peuvent atteindre 765 kV.
Ces grands réseaux transportent d’énormes quantités d’électricité sur de longues distances. Ils nécessitent donc une planification minutieuse, une ingénierie de pointe et des infrastructures solides pour fonctionner de manière sécuritaire et efficace.
La demande énergétique mondiale est en hausse. Et les distances que doit parcourir l’électricité augmentent également. La modernisation des infrastructures électriques s’avère donc essentielle. C’est pourquoi les solutions à très haute tension suscitent un intérêt croissant. Lorsqu’on les compare à des réseaux à tension moins élevée, les réseaux de transport THT sont suffisamment puissants pour acheminer des milliers de mégawatts (MW) d’électricité sur des centaines de kilomètres, tout en limitant considérablement les pertes. Parmi ces solutions, les réseaux de transport à 735 kV et à 765 kV sont de plus en plus courants, particulièrement en Amérique du Nord. Cette tendance s’explique par la capacité de ces réseaux à acheminer de plus grandes quantités d’électricité sur de plus longues distances, tout en présentant des pertes plus faibles en cours de route.
Pour mettre les choses en perspective, une ligne à 735 kV ou 765 kV équivaut à quatre lignes classiques à 315 kV ou 345 kV. Les lignes THT sont donc extrêmement efficaces pour acheminer l’énergie des centrales électriques vers les villes et les grandes zones industrielles. Mais la conception de ces réseaux est loin d’être simple. Cela nécessite des connaissances pointues, une planification minutieuse et de l’équipement spécialisé.
Voici onze facteurs qui rendent la conception des réseaux de transport à très haute tension si complexe et si fascinante.
Le transport d’électricité à très haute tension est essentiel aux infrastructures énergétiques modernes.
À des tensions pouvant atteindre 765 kV, les forces électriques et magnétiques autour des lignes de transport sont importantes. Cela pose de nouvelles difficultés en matière de conception. Lorsqu’il est question de lignes à très haute tension, les champs électromagnétiques et les effets d’induction sont des préoccupations techniques majeures. Ces champs puissants peuvent « laisser échapper » de l’énergie, ce qui peut entraîner des répercussions sur les lignes de communication, les pipelines ou les circuits en parallèle situés dans le voisinage de ces lignes. Des tensions indésirables peuvent alors apparaître là où elles ne devraient pas, et cette situation peut s’avérer dangereuse.
Pour prévenir ces problèmes, une planification minutieuse s’impose. Il faut notamment maintenir une distance suffisante entre les lignes à haute tension et les infrastructures avoisinantes. Des études détaillées doivent également être menées pour déterminer les effets potentiels des champs sur les personnes ou l’équipement à proximité, et des mises à la terre doivent être installées pour diriger en toute sécurité les tensions parasites vers le sol. Par ailleurs, il convient d’étudier les moyens de minimiser les interférences, en particulier dans le cas de lignes parallèles, et parfois de réorganiser la disposition des conducteurs (ce qu’on appelle la « transposition ») de manière à réduire les effets électromagnétiques.
Une bonne isolation est également essentielle puisqu’elle permet au réseau de résister aux surtensions causées par la foudre ou la mise en marche et l’arrêt d’équipement. Dans l’ensemble, la conception est un processus complexe et détaillé qui favorise la sécurité et la stabilité, vu les niveaux de tension extrêmes.
Même dans les réseaux de transport à très haute tension, une partie de l’énergie se perd lorsqu’elle circule dans les lignes. Ces pertes sont principalement dues à la résistance des conducteurs et à un phénomène appelé « effet couronne », par lequel l’énergie se dissipe dans l’air. Le recours à diverses techniques permet de réduire le plus possible ces pertes.
Tout d’abord, les conducteurs fabriqués d’un alliage à forte teneur en aluminium offrent une meilleure conductibilité que d’autres. Aussi, en portant une attention particulière à la distance entre les conducteurs et à la hauteur à laquelle ils sont suspendus, il est possible de réduire les pertes dues à l’effet couronne. La façon dont les conducteurs sont regroupés importe également. Le fait de les espacer correctement permet de réduire les pertes électriques et d’accroître l’efficacité. En outre, l’ajout d’équipement de compensation série et de parasurtenseurs permet de stabiliser le flux d’électricité. Ils protègent également le réseau contre les pointes de tension soudaines.
Tous ces éléments contribuent à transporter d’une manière plus efficace l’électricité sur de longues distances.
Une tension plus élevée demande des installations plus imposantes. Plus la tension est élevée, plus la taille de tous les composants est importante. Le poste électrique d’un réseau de transport THT est beaucoup plus grand que celui des réseaux classiques. Et chaque pièce doit être dimensionnée pour répondre aux exigences de performance des réseaux THT. Qu’il s’agisse des disjoncteurs, des transformateurs, des barres omnibus ou de l’appareillage de commutation, tout doit être plus volumineux pour satisfaire aux exigences liées aux tensions plus élevées et au dégagement.
Le poste électrique d’un réseau de transport THT est beaucoup plus grand que celui des réseaux classiques.
Les concepteurs de ce type de réseaux doivent composer avec une longue liste d’enjeux techniques. Parmi ceux-ci figurent les effets du vent et de la glace sur les barres omnibus de plus grandes dimensions, la tension mécanique et la flèche des conducteurs suspendus entre les pylônes, et la gestion des puissants champs électriques autour des supports des conducteurs. Ces enjeux ont une incidence sur tous les aspects du projet, de la sélection des matériaux des différents composants jusqu’aux besoins en matière d’emprises. D’ailleurs, les coûts liés à l’achat de terrains sont également plus élevés. Un aménagement intelligent permet toutefois de tirer le maximum de chaque mètre carré.
L’usage d’équipement hautement performant est essentiel au bon fonctionnement du réseau. Il s’agit notamment d’appareillage de commutation à isolation gazeuse pour les espaces restreints, de disjoncteurs haute tension conçus pour les courants élevés et de dispositifs de protection comme des parasurtenseurs et des batteries de condensateurs adaptés aux conditions extrêmes. Même les isolateurs doivent être choisis et conçus pour une telle application. Les isolateurs classiques en porcelaine ne sont pas suffisants; il faut donc utiliser des isolateurs en polymère spécialement conçus avec des anneaux pare-effluve pour contrer les champs électriques. L’équipement fourni par des fabricants est également soumis à des normes et à des essais rigoureux pour répondre aux exigences d’isolation et résister aux surtensions, ce qui rend la conception de cette partie du réseau électrique complexe et d’une importance cruciale.
Dans les réseaux de transport THT, la façon dont les lignes électriques sont physiquement disposées est importante pour la performance de l’infrastructure. Pour limiter les effets indésirables comme les pertes dues à l’effet couronne, les interférences radio et même les bourdonnements audibles, les lignes électriques sont composées de faisceaux de conducteurs. Au lieu d’un seul câble par phase, il y en a généralement quatre ou plus, étroitement groupés. Ces faisceaux nécessitent des raccords et des entretoises spécialement conçus pour supporter leur poids et maintenir l’écartement des conducteurs. Les avantages des faisceaux sont énormes : ils permettent de transporter plus d’énergie, de réduire l’intensité du champ électrique autour des conducteurs et d’atténuer les interférences.
Autre élément à considérer, ces conducteurs sont souvent suspendus sur de longues portées. Ils peuvent ainsi subir une modification de leur longueur et bouger sous l’effet des changements de température et du vent. Mais les longues portées entre les pylônes posent d’autres difficultés. La gestion de la tension et de la flèche des conducteurs nécessite des calculs précis. Les câbles peuvent subir de grandes amplitudes d’oscillation pendant les tempêtes et des vibrations causées par les vents constants. Pour y remédier, des entretoises et des amortisseurs sont installés, ce qui permet de maintenir la stabilité des câbles et de les protéger. La conception nécessite de concilier les contraintes physiques, mécaniques et électriques pour permettre à l’électricité de circuler efficacement sur de grandes distances.
La construction d’un réseau de transport à très haute tension demande des compétences solides en ingénierie mécanique et en structures. Chaque composant des infrastructures électriques, qu’il s’agisse des câbles, des pylônes, des fondations ou des charpentes des postes électriques, doit être durable et efficace. Une analyse structurale permet de trouver un rapport coût-performance satisfaisant. Cela permet de faire des choix plus judicieux en ce qui concerne les tracés, les types de conducteurs et les pylônes au cours des premières étapes de la modernisation d’un réseau. Le câblage, les accessoires, les charpentes et les fondations doivent être dimensionnés et conçus dans un souci d’intégrité structurale et de fiabilité de fonctionnement.
Face à l’augmentation de la demande de transport d’électricité sur de longues distances, les infrastructures THT joueront un rôle déterminant dans la conception des réseaux de demain.
En outre, il est souvent nécessaire de réaliser des études de sites pour mener à bien les projets. Ce fut le cas pour certains projets sur lesquels les équipes de Stantec ont travaillé dans l’est du Canada, où les sols et le climat présentaient des caractéristiques uniques. Ces études permettent de montrer que les infrastructures peuvent résister au vent, à la glace et à de lourdes charges électriques. Les analyses de tension et de flèche aident à sélectionner les bons conducteurs et à dimensionner les fondations. Il est également important de comparer les pylônes haubanés aux pylônes autoportants en fonction du terrain, car il s’agit d’un élément déterminant pour un transport stable sur de longues distances. Dans les postes électriques, on utilise des pylônes en treillis pour mieux gérer les forces exercées par les jeux de barres et les contraintes environnementales.
Les bretelles ne sont pas que des simples conducteurs dans les postes à 735 kV ou à 765 kV. Ce sont des composants conçus pour résister à la dilatation thermique, au vent, à la glace et aux contraintes mécaniques exercées par les multiples faisceaux de conducteurs. C’est pourquoi l’utilisation de bretelles est essentielle pour assurer un fonctionnement fiable des postes électriques THT. Les bretelles en faisceau doivent être utilisées avec des raccords et des amortisseurs spécialement conçus. De plus, des contraintes électriques et mécaniques compliquent la configuration des jeux de barres.
Pour les supports d’ancrage des lignes de transport aériennes sur de longues distances, les bretelles entre les longues chaînes d’isolateurs sont parfois surdimensionnées. Cela influe sur la géométrie de la tête du pylône. L’utilisation de bretelles spéciales, semi-rigides ou renforcées par exemple, peut contribuer à réduire les dimensions de la tête du pylône.
Une configuration réfléchie des bretelles est essentielle puisqu’elle contribue à la conception efficace et évolutive des réseaux de transport modernes.
Lorsqu’il est question de réseaux de transport à très haute tension, les supports d’ancrage sont d’une très grande importance. Ces énormes pylônes en treillis d’acier sont construits pour résister aux forces mécaniques intenses exercées par les faisceaux de conducteurs soumis à une forte tension. Par leurs dimensions et leur résistance mécanique, ils maintiennent la stabilité sur de longues portées et résistent aux charges déséquilibrées provenant d’une ou des deux directions.
Les portiques guident les lignes des postes électriques à l’intérieur et à l’extérieur des baies d’équipement. Les portiques des réseaux THT doivent être plus robustes que ceux qui sont utilisés comme supports d’ancrage des réseaux à haute tension (HT). Leurs fondations doivent être renforcées et leur alignement, précis. Ils servent également de nœuds importants pour la reconfiguration des circuits et l’isolation. Ces composants sont essentiels au prolongement et à la modernisation des réseaux électriques.
La coordination de l’isolation des réseaux THT est également beaucoup plus exigeante que pour les réseaux à tension moins élevée. Il faut tenir compte des impulsions de la foudre, des surtensions de commutation et des niveaux d’isolation de base bien supérieurs aux normes HT. Ces mesures de protection sont essentielles. Elles permettent un fonctionnement fiable et protègent contre les pointes de tension inattendues.
Les systèmes de mise à la terre revêtent également une grande importance. Ils servent à diriger les courants de haute intensité de fuite à la terre et à contrôler les amorçages en retour sur de vastes zones. Dans la conception, il faut prendre en compte les tensions de pas et de contact, soit les risques qu’une personne marche à proximité de l’équipement ou le touche lors d’une défaillance. La mise à la terre doit être conçue pour dissiper l’énergie en toute sécurité. Les isolateurs des réseaux THT sont souvent faits de composite ou de porcelaine. Ils sont plus longs et plus robustes, et conçus pour empêcher la conduction et pour réguler les champs électriques.
Un système d’isolation et de mise à la terre de pointe contribue à renforcer la stabilité et la sécurité des réseaux de transport THT.
La conception et la construction de réseaux de transport THT posent de véritables enjeux en matière d’environnement et d’obtention de permis. Les lignes de transport THT sont plus imposantes et plus visibles que les infrastructures HT habituelles. Les réseaux THT sont donc soumis à des règles plus strictes en ce qui concerne les champs électromagnétiques, la largeur des emprises et la visibilité dans l’espace public. La coordination avec les propriétaires fonciers et les organismes de protection de l’environnement est cruciale, en particulier pour des projets plus vastes de modernisation et de prolongement des réseaux électriques.
Stantec a soutenu ses clients dans la réalisation d’évaluations des impacts environnementaux visant à déterminer les effets sur la faune, la végétation et les écosystèmes. Ces évaluations portent souvent sur des projets situés à proximité d’habitats protégés, de zones humides ou de voies de migration des oiseaux. L’envergure de ces projets renforce l’importance de réaliser des études détaillées et de mettre en œuvre des stratégies d’atténuation préventives de manière à limiter les perturbations écologiques.
Des facteurs acoustiques entrent également en jeu. Contrairement aux réseaux à plus faible tension, les réseaux de transport THT produisent un bruit causé par l’effet couronne, particulièrement audible par temps humide ou pluvieux. Si ce bruit n’est pas bien atténué par une conception optimale des pylônes et un espacement adéquat entre les conducteurs, il peut devenir une nuisance pour les collectivités avoisinantes.
Pour obtenir l’acceptation du public, il est important de tenir compte de ces préoccupations environnementales dès le début du projet. Cela contribue également au respect de règlements stricts.
Les consultations publiques ne sont pas qu’une simple formalité réglementaire, mais une nécessité stratégique pour réduire les risques de litiges et instaurer un climat de confiance avec les collectivités.
La consultation publique est plus complexe lorsqu’il s’agit de planifier et de construire des postes et des lignes de transport THT. L’ampleur, la visibilité et les risques perçus de ces réseaux imposent des exigences plus élevées. Il faut adopter une approche plus proactive et plus structurée que pour les projets de transport à haute tension habituels.
À des tensions de 735 kV ou 765 kV, les infrastructures sont très visibles et font souvent l’objet d’une attention publique accrue. Les citoyens sont souvent préoccupés par les risques pour la santé et la sécurité, par le bruit et par les répercussions possibles sur la valeur des propriétés. C’est pourquoi il est indispensable d’inclure le public le plus tôt possible et de façon intentionnelle. Par exemple, dans une région où Stantec a tenu des consultations publiques, l’équipe a dû obtenir le soutien de plusieurs parties prenantes. La tâche n’a pas été facile, mais des discussions bien menées ont permis à l’équipe de montrer qu’elle tiendrait compte de toutes les préoccupations. Sans la tenue de vastes consultations tôt dans le projet, les promoteurs risquent davantage de faire face à de l’opposition, à des contestations juridiques et à des retards.
Les consultations publiques ne sont pas qu’une case à cocher dans une liste d’obligations juridiques. Il s’agit plutôt d’une nécessité stratégique pour réduire les risques de litiges et instaurer un climat de confiance avec les collectivités. Pour que les projets de prolongement et de modernisation des réseaux électriques soient un succès, les communications doivent être transparentes. Les parties prenantes, notamment les services publics, les propriétaires fonciers et les autorités locales, doivent être impliquées dès les premières étapes. Les campagnes de consultation contribuent à informer le public en lui donnant accès à des renseignements sur les projets.
En raison de leur ampleur, les lignes de transport de 735 kV ou 765 kV peuvent entraîner d’importantes répercussions visuelles et esthétiques. Les pylônes, dont la hauteur peut atteindre plus de 60 mètres et dont la visibilité est sans équivoque, peuvent occuper une grande partie du paysage, surtout dans les environnements dégagés ou plats. C’est pourquoi les projets THT attirent davantage l’attention du public que les projets à tension moins élevée.
Leurs structures massives en treillis sont visuellement intrusives et visibles de très loin. En outre, les lignes THT nécessitent une emprise d’une largeur d’environ 60 à 90 mètres, ce qui demande souvent de défricher de grandes étendues de végétation. Ainsi, de grands corridors dégagés traversent des forêts, des terres agricoles ou d’autres zones pittoresques. Certaines personnes considèrent que l’harmonie visuelle des parcs, des sites patrimoniaux et des communautés rurales s’en trouve perturbée. Les structures en acier peuvent refléter la lumière du soleil, tandis que les feux d’avertissement pour les pilotes d’avion peuvent produire des éclats lumineux indésirables dans le ciel nocturne.
Dans l’ensemble, les répercussions visuelles et esthétiques des lignes de transport THT sont considérables. Ces répercussions doivent être prises en compte dans les décisions de planification et de tracés.
Le transport d’électricité à très haute tension est une nécessité pour les infrastructures énergétiques modernes. Les réseaux THT sont complexes et leurs coûts initiaux sont élevés, mais ils présentent des avantages à long terme, notamment une capacité, une efficacité et une résilience accrues. Ces caractéristiques sont indispensables pour que les réseaux électriques répondent aux besoins de demain.
Pour concevoir un réseau de transport THT, il faut :
Qu’il s’agisse de portiques imposants en acier, de longues portées de faisceaux de conducteurs, de mises à la terre conçues avec précision ou de mesures de protection de l’environnement, chaque choix de conception demande de tenir compte d’enjeux importants.
Face à l’augmentation de la demande de transport d’électricité sur de longues distances, les infrastructures THT joueront un rôle déterminant dans la conception des réseaux de demain. La transition énergétique en dépendra.