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Lutte à la moule zébrée : tout ce qu’il faut savoir

01 décembre 2021

La moule zébrée peut détruire l’écosystème aquatique et entraîner des répercussions économiques importantes pour les riverains et les industries

Par Isabelle Picard

La moule zébrée, à ne pas confondre avec les moules d’eau douce indigènes aussi appelées mulettes, est une espèce exotique envahissante qui menace les écosystèmes aquatiques. Introduite en 1986 dans les Grands Lacs par des bateaux en provenance d’Europe, elle s’est rapidement dispersée en Amérique. Au Québec, elle s’est établie dans le corridor fluvial du Saint-Laurent, le lac Champlain, le lac Memphrémagog et la rivière Richelieu, puis a récemment été découverte dans le lac Massawippi en Estrie. Cette espèce se répand à une vitesse fulgurante et il est urgent de s’en préoccuper dès maintenant afin d’éviter des catastrophes écologiques, économiques et sociales. Voici pourquoi.

La moule zébrée, à ne pas confondre avec les moules d’eau douce indigènes aussi appelées mulettes, est une espèce exotique envahissante qui menace les écosystèmes aquatiques.

Destruction des écosystèmes aquatiques

La moule zébrée est un mollusque vivant en eau douce qui se distingue par sa forme en « D » et ses rayures blanches ou beiges. Elle peut atteindre une taille de 1 à 4,5 cm à l’âge adulte et vivre de trois à cinq ans. Sa principale caractéristique est sa capacité de reproduction et de propagation, la femelle pouvant pondre 40 000 à 1 000 000 d’œufs par année.

Pour se nourrir, une moule zébrée filtre jusqu’à un litre d’eau par jour, privant d’autres espèces de nutriments, comme la chlorophylle. Son action filtrante réduit également les concentrations de microorganismes, comme le phytoplancton et le zooplancton, qui constituent la base de la chaîne alimentaire des lacs. La quantité de nourriture nécessaire à d’autres organismes, dont les jeunes poissons et les invertébrés, est ainsi largement diminuée. Conséquemment, cette espèce bouleverse l’écosystème et peut provoquer le déclin de nombreuses espèces aquatiques et terrestres qui fréquentent ces plans d’eau. En diminuant la quantité de nourriture et de nutriments disponibles, elle crée une sorte de « désert alimentaire » où prolifèrent les algues et les bactéries, comme celles causant le botulisme aviaire qui peut décimer des populations d’oiseaux. De plus, en raison de son action filtrante importante, la moule zébrée augmente la transparence de l’eau, favorisant alors la prolifération non souhaitée de plantes aquatiques et de certaines cyanobactéries, comme les algues bleues nocives pour la santé humaine.

Répercussions économiques et sociales

Contrairement aux moules d’eau douce indigènes, la moule zébrée se distingue par sa capacité de fixation, c’est-à-dire qu’elle s’attache à toutes les surfaces solides en raison de filaments présents sur sa coquille. Ainsi, elle se fixe rapidement sur les bateaux, les quais et les bouées, mais également sur les barrages et les parois des prises d’eau qui alimentent les municipalités, les industries et les propriétés privées. Une fois fixées sur une surface, les moules s’agglutinent et s’attachent solidement en masse, ce qui contribue à obstruer les ouvrages hydrauliques et à limiter l’approvisionnement en eau, en plus d’endommager de façon considérable les équipements nautiques et les installations riveraines.

En raison de la forte densité, de la prolifération rapide et de la faible longévité de la moule zébrée, des accumulations de coquilles se forment au fil du temps sur les plages et les berges des lacs. En plus d’être très coupantes pour les baigneurs, les coquilles accumulées dégagent de fortes odeurs émanant de la décomposition. Cela peut alors entraîner la fermeture des plages et limiter l’usage des embarcations, affectant par le même coup les activités récréotouristiques de la région. Le déclin de populations de poissons, en raison de la déplétion des nutriments, affecte également l’industrie de la pêche sportive, une activité fort populaire auprès des riverains. Finalement, la baisse de l’attrait récréotouristique peut entraîner une diminution de la valeur des propriétés résidentielles et commerciales en plus d’augmenter les coûts d’entretien des quais ou des équipements nautiques.

En somme, en plus de l’impact écologique considérable des moules zébrées sur les écosystèmes aquatiques, c’est tout un secteur de l’économie qui en paie le prix.

La moule zébrée se fixe aux surfaces solides, ce qui peut obstruer les prises d’eau et endommager les équipements nautiques et les installations riveraines.

Mieux vaut prévenir que guérir

Une fois que la moule zébrée est introduite dans un cours d’eau, il est pratiquement déjà trop tard. En effet, il est quasi impossible de l’éradiquer, de la déloger ou de contenir sa propagation. Seules des actions locales ou d’atténuation sont généralement possibles. C’est pourquoi tout repose d’abord sur la prévention. Des méthodes de prévention et de contrôle en quatre étapes, dont font partie les stations de lavage, ont été développées par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec afin de prévenir l’introduction et la propagation d’espèces aquatiques envahissantes. Elles consistent à :

  1. Inspecter l’embarcation et retirer les organismes qui y sont accrochés
  2. Vider et drainer l’eau qui peut se trouver à bord
  3. Nettoyer et sécher tous les équipements
  4. Répéter l’opération après chaque visite d’un nouveau plan d’eau

Ces méthodes, appliquées tôt, semblent avoir limité la vitesse de propagation des moules zébrées dans les plans d’eau au Québec, comparativement en Ontario et aux États-Unis où l’expansion a été très rapide. La presque totalité des plans d’eau d’Ontario susceptibles à l’introduction de l’espèce avait été touchée en quelques années seulement. En revanche, malgré la susceptibilité d’introduction de l’espèce dans leurs cours d’eau, plusieurs régions comme l’Estrie avaient été épargnées jusqu’à récemment grâce aux stations de lavage en action depuis le début des années 2000.

En plus de l’impact écologique considérable des moules zébrées sur les écosystèmes aquatiques, c’est tout un secteur de l’économie qui en paie le prix.

L’importance d’agir rapidement

Afin de limiter les répercussions écologiques et économiques, il importe d’instaurer un plan d’action complet permettant autant le diagnostic du risque d’introduction dans le plan d’eau, que le déploiement de mesures préventives et de sensibilisation. Un protocole de suivi doit ensuite être élaboré avec soin afin de détecter rapidement l’introduction et, advenant le cas, il est impératif de mettre en œuvre un plan d’urgence de concert avec les intervenants clés.

C’est ce que nous avons fait avec l’organisme Bleu Massawippi que nous accompagnons dans le dossier de la moule zébrée au lac Massawippi en Estrie depuis quelques années. Après avoir déterminé le haut risque d’introduction en 2019, nous avons offert de la formation sur les moyens de détection précoces dans le cadre du suivi de l’espèce, ce qui a finalement mené à la découverte de moules zébrées à l’automne 2021. Puisqu’il fallait agir rapidement pour implanter des mesures d’atténuation efficaces, nous avons alors produit d’urgence un avis scientifique et des recommandations dans le but d’orienter les premières étapes d’un plan d’action concerté, afin de mobiliser les associations de lacs et de bassins versants (OBV), la communauté scientifique, ainsi que les autorités municipales, régionales, provinciales et fédérales, dans le but commun de limiter les répercussions dans ce prestigieux lac du Québec.

La clé, c’est la prévention et la détection précoce. Les municipalités, les riverains, les associations de lacs et les industries ont tous un rôle à jouer pour prévenir l’introduction d’espèces envahissantes dans les plans d’eau. Par la sensibilisation et un protocole de suivi rigoureux, il sera possible de préserver les infrastructures riveraines et, surtout, de protéger les écosystèmes aquatiques pour les prochaines générations.

 

À propos de l’auteure :

Isabelle est une biologiste spécialisée en faune aquatique reconnue à l’échelle provinciale et nationale. Elle cumule près de 20 ans d’expérience et de connaissances approfondies en écologie et identification des poissons, des amphibiens, des reptiles, des écrevisses et des mollusques de l’est du Canada.

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