Protéger notre patrimoine documentaire avec une installation ultramoderne

Je suis également très fier de participer à la conception d’un bâtiment qui deviendra la plus grande installation de préservation équipée d’un système d’entreposage et de récupération automatiséau monde.

Une installation de préservation de ce genre demande beaucoup d’ingéniosité – BAC souhaite conserver ses archives pendant 500 ans –, et je suis sûr que les gouvernements du monde entier envisageront de créer des lieux de mémoire similaires pour sauvegarder leurs propres documents d’archives. Ce bâtiment établira une norme mondiale à bien des égards. Si vous êtes curieux de connaître les coulisses de ce projet, voici quelques-uns des éléments importants qui entrent en jeu dans sa réalisation. 

Protection de la collection

Tous les concepteurs doivent garder à l’esprit cet objectif primordial : la protection de la collection de patrimoine documentaire. Habituellement, le travail d’ingénierie de mon équipe est centré sur la protection des personnes. Mais dans ce cas, les principaux « occupants » du bâtiment seront des documents, des films et d’autres pièces d’archives. Il est essentiel de s’assurer que votre installation est sécuritaire non seulement pour les gens, mais aussi pour la collection patrimoniale. Lorsque votre mission est de protéger une telle collection, voici quelques points clés qui vous viennent à l’esprit. 

• Climatisation et contrôle des poussières : Pour protéger la collection, il faut d’abord fixer des valeurs de consigne très strictes pour la température et l’humidité de l’air. Cette régulation de la température et de l’humidité doit être stable et précise, comme dans un laboratoire scientifique. Pour la nouvelle installation de préservation, les conditions de température et d’humidité doivent être régulées dans un volume de près de 20 000 m³. Cet environnement contrôlé nécessite un équipement de déshumidification spécialisé, comme des roues dessicantes. Le deuxième défi, c’est l’importance d’assurer un contrôle strict des poussières pour réduire les contaminants en suspension dans l’air. Et le troisième point, tout aussi important, concerne les autres contaminants de l’air extérieur, comme l’ozone, qui doivent être maintenus à des quantités minimales. Tous les équipements de climatisation et de contrôle de poussières doivent être robustes et présenter une redondance de capacité N+1; l’installation est donc munie d’un module supplémentaire qui entre en fonction lors de la maintenance ou en cas de panne.
• Protection et détection des incendies : Le feu représente le risque ultime pour la collection. C’est pourquoi le bâtiment doit être entièrement équipé de gicleurs. Cependant, l’éclatement accidentel d’une tête de gicleur ou d’un tuyau peut représenter un risque inacceptable. Par conséquent, un système d’extinction automatique à préaction – dont la tuyauterie est remplie d’azote et une soupape d’alarme retient l’eau – peut protéger toutes les zones dans lesquelles la collection est rangée et accessible. Dès qu’un feu est détecté, la soupape ouvre et l’eau remplace l’azote en le compressant vers les terminaisons de la tuyauterie. Traditionnellement, on pense à des systèmes à double verrouillage à préaction pour protéger des objets aussi importants. Compte tenu de la hauteur des chambres fortes de la nouvelle installation de préservation de BAC, ce type de système tendait à créer un long délai avant la décharge de l’eau. De l’avis de mon équipe, cela représentait un risque supplémentaire pour la collection. Notre équipe de protection contre les incendies s’est adressée directement à l’autorité suprême en la matière, la National Fire Protection Association (NFPA), qui nous a conseillés d’utiliser plutôt un système à préaction à simple verrouillage. Avec une hauteur de près de 29 mètres, les chambres fortes sont presque 50 % plus hautes que la norme de conception maximale de la NFPA. Notre équipe a donc dû aller au-delà des normes. En complément de ce système à simple verrouillage, l’équipe a choisi d’utiliser la détection d’incendie VESDA – c’est-à-dire détection de la fumée par laser – pour donner au système le meilleur temps de réponse possible.
  
• Production et distribution d’électricité d’urgence : C’est un autre point important. Pour s’assurer que la climatisation et le contrôle des poussières – ainsi que les systèmes de protection et de détection des incendies – sont fonctionnels en permanence, les besoins de l’installation doivent être entièrement couverts par un groupe électrogène de secours et une distribution adéquate. Pour la nouvelle installation de préservation de BAC, le critère de robustesse de la génératrice de secours était également une redondance N+1, mais appliquée à 200 % de la charge calculée du bâtiment. Notre équipe a choisi d’utiliser des simulations de la consommation du bâtiment pour affiner la puissance de la génératrice de secours, ce qui a été rendu possible par le fait que le bâtiment utilise de l’électricité pour 100 % de ses besoins énergétiques (l’électricité d’Hydro-Québec étant reconnue comme carboneutre).
• Matériaux interdits : Une installation de préservation ne doit pas contenir de matériaux de construction qui pourraient présenter un danger à long terme pour la collection. Les plaques de plâtre et le bois sont courants dans la construction, mais vous ne pouvez pas utiliser de murs en plâtre ou d’éléments en bois à proximité de la collection en raison de la quantité de poussière qu’ils libèrent au fil des ans. La finition des murs doit être en béton. Vous devez également trouver un autre matériau pour le traitement acoustique des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation, ainsi qu’une solution de rechange pour le temps de réverbération de la pièce (contrôle du bruit), car les solutions traditionnelles comme la fibre de verre ou de roche ne conviennent pas ici. 
  

Un système d’entreposage et de récupération automatisé

Comme je l’ai mentionné plus haut, la nouvelle installation de préservation de BAC utilisera un système d’entreposage et de récupération automatisé  pour les pièces d’archives. Ce bâtiment sera la plus grande installation de préservation au monde à utiliser un tel système, et il est important de bien le connaître si vous envisagez un projet de ce genre.

Le système d’entreposage à haute densité de 27 mètres de haut, fourni par la société d’intralogistique Dematic, présente plusieurs avantages, notamment une diminution des risques de dommages matériels, un meilleur suivi et une réduction de la consommation d’énergie. Les détaillants ont commencé à utiliser ces systèmes pour leurs installations d’entreposage. Pour une installation de préservation, l’ajout d’un système d’entreposage et de récupération automatisé  réduit le temps pendant lequel les humains peuvent interagir avec la collection, ce qui diminue le risque que quelqu’un endommage le patrimoine documentaire, par exemple en laissant tomber une boîte.

Dans le cadre de ce projet, le système d’entreposage et de récupération automatisé comportera six robots sur mesure, tous dotés d’une fonction de transport vertical. Les robots reçoivent les articles de collection des camions de livraison et les rangent jusqu’à une hauteur de 27 mètres. 

Une conception unique

Le caractère unique de ce projet nous a amenés à imaginer des solutions dépassant les limites techniques établies. Nous sommes allés au-delà des normes, par exemple en nous assurant que nous disposions d’une protection incendie adaptée à des hauteurs aussi importantes ou en trouvant de nouveaux agencements des canalisations pour éviter la présence d’eau dans certaines pièces, car les normes existantes ne prévoyaient pas les portées dont nous avions besoin.

Si vous envisagez de construire une grande installation comme celle-ci pour préserver des joyaux de votre patrimoine national, j’espère que notre expérience vous sera utile. Je suis fier de travailler sur un projet qui protège le patrimoine documentaire du Canada, et j’ai hâte de le voir en activité. 

Traduction du blogue publié originalement sur le site Ideas de Stantec.

À propos de l’auteur :

Dès le début de sa carrière, Martin s’est illustré en gérant des dossiers majeurs comme celui du développement de programmes d’efficacité énergétique pour Hydro-Québec et celui de l’offre à commande à l’Institut de recherche en électricité du Québec.